L’Eglise arménienne

vendredi 23 janvier 2004.
 

A l’occasion de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, je vous présente une église peu connue de nous. Cette année je voudrais vous parler des Arméniens comme je l’ai fait l’an passé, à St P/P.

L’Eglise arménienne est d’une tradition très riche, tant sur le plan religieux que culturel. Sa fondation s’effectue en trois étapes.

Selon la tradition, elle a reçu une première annonce de l’Evangile vers 90, grâce aux apôtres Thaddée et Barthélemy. Mais son acte de naissance, c’est la conversion du roi Tiridate III et du tout le pays, en 301. En 2001, l’église arménienne a donc fêté son 1700ème anniversaire, comme vous avez pu le voir sur les affiches à Issy-les-Moulineaux. Cette conversion est l’œuvre de Grégoire dit l’illuminateur, parce qu’il apporte l’illumination, c’est-à-dire le baptême. En 325, au concile de Nicée, l’église arménienne est représentée, elle est déjà importante. Les Arméniens sont fiers de dire qu’ils sont le premier pays à s’être converti au christianisme. Hélas, en 387, l’Arménie passe sous domination perse et se trouve coupée de la Cappadoce d’où vient Grégoire et donc elle se coupe de Byzance. Ceci sera très lourd de conséquences.

La seconde fondation, c’est au moine Machtot (Mescop) qu’on la doit. C’est lui qui va créer l’alphabet national vers 420. Le premier livre sera la Bible. La langue arménienne est le lien intime entre la nation et la religion.

La troisième fondation, vers 450. Les Perses d’abord tolérants cherchent à imposer le mazdéisme. Il s’ensuit une vive résistance nationale et religieuse qui sera quasiment le baptême du feu de l’Arménie. Pensant cette période difficile, un credo sera répété par les Arméniens : « Personne ne peut nous séparer de la foi ; nous avons le saint Evangile comme père et l’église catholique et apostolique comme mère ! »

De ces trois fondations, on peut déjà dégager deux choses fort importantes. La première c’est que nous avons là une église foncièrement liée à la nation, à l’identité arménienne par la langue et par la résistance nationale qui est aussi résistance religieuse.

La seconde conséquence c’est que pendant que l’Arménie subit la guerre et les persécutions de la part de la Perse, à Chalcédoine en 451, se réunit le 4° Concile œcuménique. Les Arméniens ne peuvent y être représentés. Le problème c’est qu’ils vont rejeter les conclusions de ce Concile parce qu’ils n’en comprennent pas les termes, et de ce fait ils entrent en rupture. La raison est peut-être théologique mais surtout politique. Les Arméniens revendiquent et revendiqueront de plus en plus leur autonomie par rapport à Byzance. Attitude que n’aura pas l’Eglise sœur de Géorgie. Les successifs dominateurs ; les Arabes, puis les Ottomans, puis les Russes ne font qu’encourager et profitent de cette rupture avec l’Eglise universelle.

En fait de nos jours, peu de choses nous séparent et le Pape Pie XII déclare en 1941 que "la différence est purement verbale", lexicale. Il y a de fait un large accord entre les Arméniens et les catholiques, excepté sur la question du ministère de Pierre.

Voilà un très rapide parcours de l’histoire. On ne peut pas oublier les deux grands fléaux qui ont frappé il n’y a pas si longtemps l’Arménie ; le génocide de 1915, un million et demi d’arméniens sont morts, et peu après ce peuple a subi l’oppression soviétique, jusqu’en 1991, date à laquelle l’indépendance est proclamée. Ce double fléau explique l’exode des Arméniens, ils sont 3 Millions et demi à l’extérieur et autant à l’intérieur. C’est cet exode qui nous vaut la présence d’une communauté importante à Issy.

Deux aspects encore pour finir.

Il y a, paraît-il, un renouveau de la spiritualité depuis la chute du communisme. On hérite d’une spiritualité très centrée sur la liturgie, je vous en ai parlé l’an passé avec l’église russe, je n’y reviens pas. Depuis quelque temps, on tente d’introduire la vie spirituelle dans le quotidien et non plus seulement dans la liturgie. L’église organise la solidarité et les écoles. Ce renouveau a été animé par le catholicos Karekine Ier et son successeur Karekine II, élu en 1999, deux personnages au très fort charisme.

Pour finir une mention de l’architecture extraordinaire de l’Arménie. Les Arméniens et les Syriens ont été de très grands bâtisseurs. Ils construisent entièrement en pierres, y compris les voûtes, les coupoles où ils font preuve de beaucoup d’ingéniosité. On leur doit le St sépulcre de Jérusalem, le dôme du rocher et certainement c’est chez eux qu’il faut chercher une des sources de l’art roman. S’ils savent construire, ils savent aussi exprimer par les volumes une théologie très précise, mais c’est un autre propos dont nous reparlerons peut-être un jour.

Vous savez probablement que la ville de Clamart a établi un jumelage avec une ville d’Arménie, Artachat. Aussi ai-je l’intention d’organiser un voyage pèlerinage pour les chrétiens de Clamart. Nous aurons donc l’occasion de reparler des Arméniens. Tant mieux !

Bibliographie :

-  Krikor Beledian, Les Arméniens, Brepols.
-  Les Dossiers d’Archéologie, Arménie 3000 ans d’histoire, N° 172 h, décembre 1992.
-  Le monde de la Bible, l’Arménie, n° 136, juillet 2001.
-  Marie Ancenay, Arménie, splendeur d’un pays secret, Editions HOA-QUI.
-  Jean-Michel Thierry, L’Arménie au moyen âge, Zodiaque.