Nous fêtons aujourd’hui la Trinité. On en parle beaucoup, mais on explique rarement, il faut dire que c’est extrêmement difficile. On va quand même essayer
En catéchèse, pour faire simple, on parle souvent de la Trinité en attribuant des fonctions à chaque personne de la Trinité. C’est ainsi que nous pouvons parler du Père, souvent comme le créateur, nous parlons du Christ comme le Fils de Dieu par lequel nous devenons fils de Dieu, nous parlons de l’Esprit Saint qui nous fait communier au Christ, qui nous fait connaître Dieu, qui nous lie les uns aux autres. C’est pas trop mauvais de dire ça, mais ce n’est pas assez. On pourrait nous dire, c’est ce que font les musulmans, qu’en fin de compte nous croyons en trois dieux.
Nous allons explorer rapidement ce qui s’est dit au cours de l’histoire, il y a eu beaucoup de débats, beaucoup d’essais d’explications. Pour nous aider à mieux comprendre, on va voir deux fausses pistes.
Certains ont essayé d’expliquer la Trinité en disant que le Père, le Fils et l’Esprit étaient trois façons d’apparaître de Dieu, trois modes, modalités, ou si vous voulez, trois costumes qui correspondraient à l’ordre de leur entrée en scène, comme si un même personnage jouait trois rôles. Ce qui a piégé les chrétiens grecs c’est la notion de personne. Pour les Grecs, le mot personne désigne le masque que l’on porte pour jouer un rôle au théâtre. Alors si on parle des trois personnes de la Trinité, ça donne : au début Dieu est père, tout puissant créateur, puis ensuite il devient homme et enfin il est esprit. Comme si Dieu changeait de nature en fonction de notre histoire. Or la théologie dit que Dieu est une seule Nature en trois personnes.
D’autres, c’est encore plus gênant, ont suivi la pensée grecque de l’émanation. Tout vient de Dieu, puisque seul il est. C’est pas mal, mais ça suppose que tout ce qui est existe est émanation dégradée. Or quelques chrétiens qui savent que Dieu est unique mais qui suivent trop cette pensée grecque, voient alors le Fils comme la première émanation du Père, la première certes, mais déjà dégradée, puis ensuite vient l’Esprit encore un peu plus dégradée. Or la foi chrétienne dit que Dieu est un en trois personnes de toute éternité, il n’est pas devenu trois un beau jour.
Comment faire pour s’en sortir ? Saint Basile de Césarée (4ème siècle) donne une première solution. Il constate que dans le vocabulaire que nous utilisons, il faut distinguer les termes qui désignent des choses ; les arbres, les hommes, une chaise, et les mots qui désignent des relations ; fils, ami, ces mots ne désignent pas des choses, mais des êtres dont la définition tient dans leurs relations. Voilà l’idée géniale ; on ne peut jamais parler de Dieu comme une chose, même la plus parfaite, mais comme une relation. On ne peut le définir que comme relation.
Quand nous parlons de Trinité, nous disons d’abord que Dieu n’est que don de lui-même, il est débordement, il est source. C’est une idée complètement révolutionnaire. Dieu n’est pas là haut, tout seul, en train de tirer les ficelles, il ne crée pas le monde parce qu’il s’ennuie ou pour montrer sa puissance, il crée parce qu’il n’est que don, et ça, il l’a appris si j’ose dire au sein même de la Trinité. Car dans la trinité chacun n’est ce qu’il est que par l’autre. Dans nos vies, nous savons qu’un homme n’est père que dans son fils, un fils n’est fils que parce qu’un père lui a donné, c’est pourquoi on utilise ce vocabulaire de père, de fils pour parler de Dieu. C’est encore impropre d’une certaine manière, mais ça nous aide à comprendre qu’en Dieu, il n’y a que don, non pas un don de quelque chose, mais don de soi et ce don de l’un à l’autre, cet échange, ce mouvement, c’est l’Esprit. Le père se donne et se reçoit tout entier dans son fils. Le fils se donne et se reçoit tout entier du Père, ce don, c’est l’esprit. Et ce don déborde, se répand, source de vie, c’est ce que nous appelons la création.
Je voudrais conclure avec une petite phrase très étrange de St Paul : " Dieu aime celui qui donne en riant " [2 cor. 9, 7] ! Celui qui trouve sa joie, son bonheur, sa plénitude en se donnant, Dieu l’aime parce qu’il lui ressemble. C’est ainsi que nous sommes à l’image de Dieu.