Vous savez bien que l’évangéliste Saint Jean a un style tout à fait particulier, assez poétique, en tous cas très répétitif. Il y a chez lui quelques expressions clefs qui reviennent constamment et qui évoluent petit à petit. Ces expressions s’éclairent mutuellement. Vous retrouver facilement le verbe voir, ou connaître, aimer bien sûr. Il y a des expressions : le pain de vie, l’eau vive. Ou encore des thèmes comme l’agneau de Dieu ou l’heure. Etc. Dans la lecture que vous venez d’entendre, cinq fois dans ces quelques versets, on nous parle de porter du fruit. Et porter du fruit est lié au fait de demeurer en Jésus Christ, expression qui revient huit fois. L’un conditionne l’autre. Si nous demeurons en Jésus Christ, nous portons du fruit. Mais la réciproque s’impose : parce que nous portons du fruit, alors nous demeurons en Christ.
Il nous faut éclairer les deux termes. Que veut dire "porter du fruit" ? Et que veut dire "demeurer en Jésus Christ" ?
On pourrait dire que "porter du fruit" c’est agir dans ce monde. C’est vrai et faux, disons que c’est réduire à un seul aspect. Car en effet, le premier fruit attendu d’un chrétien, c’est un fruit de conversion. Sans cesse, un chrétien doit devenir ce qu’il est, devenir ce qu’il est appelé à être, devenir ce que ce nom de Chrétien implique. Autrement dit, un chrétien qui porte du fruit est celui qui devient de plus en plus, de mieux en mieux, lui-même. Le premier fruit qu’un chrétien doit porter, c’est de devenir chrétien. Un chrétien n’est jamais parfait, il ne le sera que lorsqu’il sera en Dieu. C’est pourquoi le christianisme décevra toujours ceux qui rêvent d’une caste de purs. Un chrétien est toujours en chemin, en recherche, c’est pourquoi il décevra toujours les amateurs d’idées simples
Porter du fruit pour un chrétien, c’est encore vivre la charité. Encore quelque chose qu’il faut expliquer. Vivre la charité, ça ne veut pas dire faire la charité, ça veut d’abord dire développer en soi une bienveillance de fond, cultiver le souci d’autrui, vouloir le bien pour l’autre. Les actes concrets de charité ne sont que la conséquence logique, le trop plein de cette attitude de fond. Quand je dis cultiver le souci d’autrui, ou développer la bienveillance, c’est parce que, en effet, ça se cultive, ça se développe, autrement dit, ça se travaille ! Ce sont des vertus qui s’entretiennent, qui demandent de l’entraînement.
Or s’il est vrai que nous devons travailler à cette attitude qui cherche le bien, il est vrai aussi que nous avons en nous une disposition à faire le bien, en tous cas, nous avons en nous un goût pour le bien.
Nous ne savons pas trop ce qu’est le bien, ce qu’est notre bien, et cependant, quand nous rencontrons la beauté, la bonté, quelque chose en nous s’éveille, s’émeut et nous dit que nous sommes faits pour elles, comme si quelque chose en nous venait nous assurer que là est notre bonheur. Ce quelque chose en nous, c’est la trace de Dieu, lui qui est notre bien, lui qui demeure en nous.
"Demeurez en moi, comme moi en vous". Pour répondre à celui qui est en nous, il faut nourrir cette présence. En prendre soin. Si nous faisons vivre en nous la présence du Christ, par la charité, par une vie spirituelle constante, alors cette présence nous fera vivre. Alors nous serons greffé au Christ, nous demeurons en lui.
Pour résumer, deux phrases : Dieu a confié en chacun quelque chose de sa grandeur. Porter du fruit, c’est faire vivre ce qui nous est confié.
Cette présence de Dieu en nous, présence qui veut grandir qui demande notre attention, c’est ce que nous célébrons lors des baptêmes. Etre baptisé, recevoir le baptême, c’est entrer dans ce lent processus de devenir soi-même, de devenir enfant de Dieu, c’est-à-dire de vivre de cette familiarité avec Dieu. Nous sommes familiers de Dieu, c’est notre grandeur.
Que Dieu nous donne de vivre notre baptême.