Dans cet épisode qui nous est relaté aujourd’hui, il y a beaucoup d’humanité, on voit là les simples gestes d’attention et de joie que peuvent se donner les femmes qui attendent un enfant. Peut-être Marie fait-elle ce déplacement précipité pour vérifier ce que l’ange lui a dit : « Et voici que ta cousine Elisabeth, elle aussi est enceinte d’un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, elle qu’on disait stérile, car rien n’est impossible à Dieu ! » Peut-être Marie veut-elle vérifier cette extraordinaire puissance de Dieu, car ce que l’ange vient de lui annoncer est encore plus incroyable, porter au monde la Messie ! C’est d’ailleurs une très ancienne tradition tout au long de l’ancienne alliance. Dieu accompagne toujours les missions qu’il donne aux hommes, largement au-dessus de leur force, par un signe qui les rassure, qui leur donne force et foi, qui atteste bien que c’est Dieu qui œuvre par nous, en nous. Peut-être aussi, plus simplement, plus humainement, peut-être bien que Marie quitte le village de Nazareth et se rend en Judée tout simplement pour assister sa cousine, comme probablement les femmes le faisaient du temps où il n’y avait pas de maternité. C’est alors, au moins, un beau signe de la charité qui habite Marie. Et de fait la charité l’habite, puisqu’en elle le Verbe se fait chair, première des charité, Dieu se donne à nous, Dieu se fait l’un de nous pour que nous soyons siens. Et alors cette charité, cette attention, cette sollicitude de Marie est la première traduction, la première conséquence de l’amour de Dieu pour nous.
Mais l’essentiel de ce texte réside bien sûr dans ces étranges propos d’Elisabeth. Elle dit trois choses.
Sa dernière parole tout d’abord : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ». Marie en effet a cru la parole de Dieu. Vous vous rappelez peut-être cet épisode où plus tard une femme s’exclame, admirative : « heureuse celle qui t’a porté en son sein », le Christ répond : « heureux plutôt ceux qui écoutent la Parole de Dieu et l’observent ! »1 Marie est bienheureuse d’abord parce qu’elle écoute la Parole. Ainsi de nous, rien de tous ces événements extraordinaires qui arrivent en Marie ne nous adviendront, sauf que nous pouvons nous aussi écouter la Parole de Dieu et qu’en nous aussi la Parole de Dieu est féconde.
Une autre parole d’Elisabeth annonce toute l’attitude de Jean-Baptiste son fils. Alors qu’elle est enceinte de 6 mois, elle se réjouit plutôt de l’enfant que Marie va porter au monde ; elle s’efface devant Marie comme Jean-Baptiste s’effacera devant Jésus. Elle vit déjà la vocation de son fils dont tout le ministère consistera à annoncer Jésus, à préparer sa route.
Une troisième chose : « l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi ». Il y a là quelque chose de tout à fait extraordinaire qui mérite quelques explications. Si l’évangéliste souligne par deux fois ce tressaillement, c’est parce qu’il y voit comme un symbole. Les parents de Jean-Baptiste, Elisabeth et Zacharie sont tous les deux des personnages de l’Ancien Testament, elle est de la tribu de Lévi, descendante d’Aaron, nous précise-t-on et lui, Zacharie, est prêtre au temple de Jérusalem. Leurs fils Jean-Baptiste sera celui par qui se fera le passage de l’Ancien au Nouveau Testament. Jésus lui-même le dira plus tard : « la loi et les prophètes vont jusqu’à Jean » (Luc 16, 16), avec lui commence quelque chose de nouveau. Autrement dit l’Ancienne Alliance vient à son terme, à son point culminant en Jean, mais il est aussi le tout premier dans la Nouvelle Alliance. Jean est au seuil, passage de l’Ancien au Nouveau Testament. Les pères de l’Eglise nous disent que ce tressaillement d’allégresse de Jean dès le sein de sa mère, signifie l’accomplissement de l’Ancienne Alliance enfin réalisée en Jésus. Ce qui n’était que préparatifs va enfin trouver ce qui était tant espéré. « Quant Elisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle », voilà la signification de ce fait extraordinaire.
A quelques jours de Noël, cet épisode vient nous rappeler que cette naissance de Jésus est aussi pour nous source de joie, parce que nous croyons que le Christ vient accomplir tout ce que notre cœur porte d’espérance enfouie. Dieu se fait proche.