Cet épisode se situe juste après la rencontre bien connue avec les compagnons d’Emmaüs, ceux-ci dès qu’ils ont reconnu Jésus à la fraction du pain, se précipitent auprès des apôtres pour leur raconter l’évènement. Et, tout comme ce qui s’est passé à l’auberge où ces deux disciples ont invité Jésus à rester avec eux, ce texte de Luc nous pose une question formidable : comment le Christ ressuscité est-il vraiment présent ?
Evidemment notre imagination, notre capacité à mettre en images est dépourvue devant la variété et les contradictions des textes. D’un côté, on voit Marie Madeleine, une familière de Jésus qui le confond avec le jardinier, les disciples d’Emmaüs qui ne le reconnaissent pas, de l’autre côté, il montre les plaies de la passion, on peut le reconnaître, c’est bien lui ! On le voit passer à travers les murs quand les apôtres se tiennent enfermés dans la chambre haute, comme s’il n’avait pas de corps, puis on le voit manger avec eux pour bien montrer qu’il en a un ! En fait le texte de ce jour nous dit deux choses. Premièrement, Jésus montre clairement qu’il n’est pas un fantôme, un esprit, un revenant. Autrement dit, il n’est pas un mort parmi les morts. Mais, deuxièmement, il n’est pas non plus un vivant comme les autres. Il n’est plus comme il était quelques jours auparavant, il le dit lui-même : « Rappelez-vous quand j’étais encore avec vous » Donc qu’est-ce qu’un corps ressuscité ? Qu’est-ce qu’un corps glorifié ? Nous ne savons pas. C’est là le premier enseignement de ce texte. Le Christ ressuscité est là, présent, mais pas sous la forme habituelle dont nous sommes présents au monde aux choses et aux autres. Sa présence est d’un autre ordre.
Alors, revenons à ma question : comment le Christ ressuscité est-il vraiment présent ? Dans ce qui nous est dit de cette étrange rencontre, trois choses permettent de répondre à cette question.
Tout d’abord, il y a ce que disent les compagnons d’Emmaüs quand ils racontent aux apôtres leur rencontre sur la route et comment, nous dit le texte, « ils ont reconnu le Seigneur quand il a rompu le pain ». En effet, le signe de la présence du Christ qu’il a lui-même laissé à son église le soir du Jeudi Saint, et qui nous réunit chaque dimanche, c’est l’Eucharistie. Nous devons prendre garde de ne pas tomber dans la routine, pour nous l’Eucharistie, c’est la présence du Christ Ressuscité.
Un second indice de la présence du Christ ressuscité, c’est la phrase : « comme ils en parlaient encore, lui-même était là au milieu d’eux. » Quand nous parlons du Christ, quand nous en témoignons, il est là. Il semble qu’il y ait une efficacité plus grande si j’ose dire, dans le fait de parler que, uniquement dans la seule pensée. D’ailleurs Jésus n’a jamais demandé à ses disciples « qu’est-ce que vous pensez de moi ? », mais « que dites-vous que je suis ? » Il y a deux choses dans ce fait d’en parler. D’abord ce que nous disons nous engage, met en œuvre notre confiance en l’autre, nous sommes obligés de vaincre notre réserve ou notre soi-disant jardin secret. La foi n’est pas une affaire privée. Elle ne grandit que lorsqu’elle se partage. Témoigner du Christ, c’est croire que celui à qui on parle peut le recevoir, c’est lui faire confiance, c’est croire qu’il y a en lui plus qu’il ne suppose. Et il y a aussi le fait que quand nous parlons de Jésus, nous sommes plusieurs, c’est par la communauté que forment ceux qui témoignent, que le Christ est présent.
Le troisième indice, c’est ce que dit Jésus : « Rappelez-vous les paroles que je vous ai dites. » C’est une invitation, un conseil, une consigne comme quand il dit « faites ceci en mémoire de moi. » Et donc, lire, célébrer la parole de Dieu, c’est rendre présent le Christ parmi nous. Chercher à comprendre ce que nous dit l’évangile, c’est se faire compagnon de Jésus. C’est bien ce que nous faisons à chaque messe du dimanche. Mais nous pouvons aussi le faire dans la prière, la réflexion et la méditation personnelle.
La présence du christ ressuscité n’a donc rien d’extraordinaire, d’imposant. Pas d’esbroufes, pas de grandes manifestations, au contraire quelque chose de très discret et qui dépend de nous. La méditation de ce qu’il nous a dit, le témoignage que nous devons porter à nos frères, le partage de sa parole et du pain de l’Eucharistie.