Nous célébrons aujourd’hui tous les saints. Le calendrier liturgique en désigne déjà un grand nombre, mais l’Eglise en espère bien plus encore. Tous ceux qui n’ont pas fait beaucoup de bruit, tous ceux dont l’humilité et la discrétion faisaient la grandeur, mais qui de ce fait ne sont connus que de ceux qui savent voir. Depuis l’aube du christianisme, nous nous doutons bien qu’il y en a beaucoup de ces gens qui dans des endroits perdus ou au contraire, enfouis dans la foule des cités, ont tout simplement tenu leur poste, fidèlement. C’est la sainteté au quotidien.
Tenir son poste, c’est une façon de parler de la sainteté qui peut nous faire bien comprendre ce qu’est la communion des saints. Vous le savez, dans un combat, chaque poste est important, chacun compte ! Et celui qui ne tiendrait pas son poste peut mettre la vie d’un grand nombre en danger, et pourtant s’il le tient, personne ne pensera qu’il s’est comporté en héros, mais c’est par lui aussi que la victoire finale est emportée. Dans le Corps du Christ que nous sommes, il en va de même ; chacun tient un poste et s’il vient à manquer, c’est le corps tout entier qui en pâtit, qui s’en trouve affaibli. A l’inverse, quand l’un des membres du corps grandit, tient fermement sa place, le corps tout entier est raffermi. Il en est ainsi depuis le début du christianisme. Si nous sommes ici, c’est parce qu’avant nous la foi a été portée, a été vécue par ceux qui nous précèdent. Nous sommes greffés à eux, que ce soient les grandes figures de la sainteté ou simplement nos aïeux, leur souffle, c’est le nôtre, leur générosité anime la nôtre, leur foi, c’est celle qui nous habite, leurs prières nous soutiennent.
Nous avons dans nombre d’églises médiévales une véritable catéchèse sur l’Eglise Corps du Christ et sur la communion des saints. A Chartres par exemple et dans les vitraux en particulier. Les vitraux des bas-côtés et du déambulatoire présentent des scènes de la Bible, assez peu en fait, mais surtout, ils racontent des vies de saints. Et dans la nef, tout en haut, d’un bout à l’autre de l’édifice, vous avez vu des saints debout, immenses. C’est par eux que la lumière pénètre l’église. Dans tous les sens de cette expression. Par eux en effet, par les vitraux, la lumière du soleil éclaire l’édifice. Mais le fait qu’on y ait figuré les saints, veut dire que c’est par eux, par les saints que l’église est colorée des multiples aspects de l’unique sainteté de Dieu. Un saint, c’est celui qui se rend transparent à la sainteté de Dieu. La sainteté de Dieu lui donne sa clarté, et son rôle ici-bas aura été de porter à sa façon, certes incomplète, certes imparfaite, mais porter quand même tel aspect de la lumière d’en haut. Un vitrail pénétré de lumière est comme vivant, animé, il parle, il porte la beauté, ainsi en est-il d’un homme quand la foi le pénètre. Un vitrail est l’ornement de l’église, même les pierres, les dalles du sol, retrouvent des couleurs grâce à lui, ainsi en est-il d’un saint grâce à qui, même les choses les plus banales, les plus ordinaires peuvent être transfigurées. Un vitrail, c’est le moyen par lequel une église reçoit la lumière naturelle, de même un saint c’est celui par qui l’église reçoit la lumière de Dieu.
Que cette allégorie du vitrail nous serve à comprendre que chacun d’entre nous ne trouve de grandeur que par la lumière dont il est le témoin, lumière qui le dépasse infiniment, mais qui a besoin de lui pour se dire aux hommes, pour éclairer leur route, pour révéler sa présence, pour donner un peu de couleur au monde.