Saint Jean nous le dit bien, nous l’avons entendu à la fin de cette lecture, c’est le premier signe de Jésus. Peut-être aussi le premier en importance. Parce qu’il y a là tout le programme du ministère de Jésus. Ces noces sont en quelque sorte l’image de ce que le Christ est venu faire. Pourquoi Dieu s’est-il fait homme ? La réponse est dans ces noces.
Et vous pouvez le repérer facilement parce que c’est assez étonnant ! Dans ce récit on parle beaucoup des invités, des serviteurs, on parle un peu de l’époux mais pas du tout de l’épouse ! Curieux quand même ! Vous savez, jadis comme aujourd’hui, la reine de la soirée, c’est la mariée. Pas un mot.
C’est que ces noces de Cana sont le signe d’autres noces, pour lesquelles le Christ est venu ! Des noces où l’épouse, c’est nous. Jésus vient rétablir entre Dieu et l’humanité des liens d’épousailles comme nous l’annonçait Isaïe que nous avons entendu en première lecture : « On te nommera mon épouse. Comme un jeune homme épouse une jeune femme, celui qui te construit t’épousera. »
Pourquoi Dieu s’est-il fait homme ? Pour restaurer une alliance entre Dieu et nous. Premier enseignement de Jésus, premier geste : des noces ! Le christianisme est une religion formidable !
Un second aspect que je voudrais méditer avec vous, c’est la présence de Marie. Elle est là, au commencement du ministère de Jésus, elle sera encore là au commencement de l’Eglise. Mystère de la féminité et de la naissance, naissance de Jésus, de son ministère, de l’Eglise. Mais au pied de la croix, ou à la Pentecôte, Marie ne dit rien. De ce qu’elle a pu dire à la crèche, nous n’avons rien gardé. Pour ces noces, nous avons d’elle deux paroles, ce sont d’ailleurs les seules paroles de Marie dans tous les évangiles, c’est pas lourd, mais c’est pas rien : "ils n’ont plus de vin" et "faites tout ce qu’il vous dira".
"Ils n’ont plus de vin !" Au début du ministère de Jésus, nous sommes encore dans l’ancienne alliance. Or l’ancienne alliance s’est épuisée dans des pratiques rituelles, des observances qui ne font que nourrir une obsession du devoir et de la pureté. L’ancienne religion qui était le trésor d’Israël est fatiguée, trahie, vidée comme le sont les cuves dont nous parle ce récit ; six cuves de cent litres, pour les ablutions rituelles, nous précise le texte. Toutes ces pratiques sont vides, asséchées. Il faut de nouveau la joie, il faut du vin nouveau. Marie, figure de l’Eglise le voit, elle le sait, elle s’y rend sensible, elle en fait sa prière : « ils n’ont plus de vin ». De même l’Eglise doit-elle le faire à l’image de Marie. Notre temps a soif de la foi que nous gardons trop jalousement. Notre monde est fatigué des petites piquettes que l’on sert en fin de noces et en période électorale, il n’en peut plus des idéologies sectaires, des religions à deux sous. C’est l’alliance avec Dieu, c’est de se lier avec Dieu qui lui manque.
"Faites tout ce qu’il vous dira !" Mais que dit-il ? Jésus leur dit de puiser et de servir les invités. Il nous le dit, parce que les servants des noces, c’est nous, c’est chacun de nous. L’Eglise par celle qui en est l’image, nous exhorte sans cesse à servir nos frères, eux aussi sont invités aux noces. Mais de grâce, ne leur servons pas de la piquette. Le bon vin qu’est la foi n’est pas un quelconque jus pieux et sirupeux, ce n’est pas non plus un breuvage aigre, plein de fiel. De même notre annonce au monde doit se débarrasser de toute amertume, de toute aigreur. Nous n’avons pas non plus à leur servir un truc sucré, tiède, écoeurant. C’est du bon vin que Jésus offre, c’est celui-là qu’il nous faut servir. Un vin coloré, chaleureux, solide, généreux, un rien épicé, délivrant une odeur de terre et de mousse, laissant au palais une légère astringence et un petit goût de fruit. La vie ! La parole de Dieu.
"Faites tout ce qu’il vous dira", c’est le seul enseignement explicite de Marie. Et ce que Jésus nous dit, c’est de puiser et de servir.