Nous commençons aujourd’hui une série de quatre sermons sur les rites de la messe. Quatre dimanches, ce n’est pas assez pour expliquer tous les gestes, toutes les paroles.
Aujourd’hui, je voudrais faire une introduction sur l’utilité des rites, sur le sens des rites en général, je vous propose quatre points.
Tout d’abord, s’il faut expliquer de temps en temps ces rites que nous accomplissons, c’est pour les comprendre. Parce que si nous en perdons le sens, le danger serait de tomber dans le ritualisme. Le ritualisme consiste à tenir à tout prix à tel ou tel rite sous prétexte qu’on l’a toujours fait, même si on ne comprend rien. C’est une perversion de dire que moins on comprend, mieux c’est ! C’est une attitude propre aux sectes ou à la magie ou à la superstition, ça n’est pas dans la tradition chrétienne ! Nous avons une religion qui nous invite à comprendre ce que l’on croit, même s’il ne faut pas réduire ce que nous croyons à ce que nous comprenons. Le problème du ritualisme c’est qu’il étouffe l’intelligence. Il tient plus à la lettre qu’à l’esprit, à la forme plus qu’au fond. Or le Christ nous rappelle, précisément à propos des rites que le vrai culte rendu à Dieu est un culte en esprit et en vérité. Pour bien comprendre les rites, il faut aussi savoir qu’ils ont beaucoup bougé au cours de l’histoire, ils se sont adaptés, la célébration de la messe telle que nous la vivons est le fruit d’une longue évolution. Aujourd’hui on parle beaucoup de la dernière réforme, celle de Vatican II, mais auparavant, il y a eu bien des changements. On peut repérer quatre grands tournants : le IVème quand l’église s’implante partout où est l’empire, Charlemagne, le XIIIème, et le concile de Trente, XVIème. Les formes ont varié au cours de l’histoire, signe de la vie tout simplement, mais il y a bien sur un fond qui demeure.
Deuxième point qui complète le premier ; les rites sont répétitifs. Ils le sont parce qu’ils doivent avoir la vertu d’être reconnus facilement, de délivrer leur sens sans trop de commentaires. C’est ainsi qu’ils sont efficaces. Je me souviens d’un de nos professeurs de liturgie qui nous disait qu’un rite doit parler sans que nous ayons à parler. Par exemple quand vous offrez des fleurs à votre épouse le jour de son anniversaire, inutile de lui faire de longues tirades, elle a compris, en principe. Je pense que votre femme ne va pas se mettre à vous dire : « c’est ridicule, c’est toujours la même chose, qu’est-ce que c’est ennuyeux ! » Ce n’est pas ennuyeux parce que c’est bien fait, parce que c’est bien compris. Tout ça pour vous expliquer qu’un geste bien fait, parle beaucoup et parle sans beaucoup de paroles .
Troisième aspect ; quand on observe l’histoire comparée des religions, on voit que les rites les plus efficaces et les plus importants sont très souvent en référence à un événement fondateur, à un commencement, qu’on célèbre et qu’on réactualise, qu’on re-présente . Le rite par nature est religieux au sens de relier, il nous relie à une origine. Ces références à un événement fondateur sont très souvent chargées de l’intention de rappeler qu’il y a du sens. Nous avons des rites qui sans être directement religieux, nous relient toutefois à un événement fondateur, important pour nous. Par exemple les fêtes nationales ou les rites autour des anniversaires qui célèbrent l’événement fondateur par excellence qu’est le fait de venir au monde. Mais c’est particulièrement vrai des rites religieux qui, par exemple dans les religions premières, disent la place de l’homme dans le cosmos, le sens de la création. Dans la religion chrétienne, Noël et la semaine sainte, bien sûr jouent ce rôle. Ce troisième aspect, donc : le rite est une actualisation d’un sens qui nous a été donné et qu’il nous faut redire.
Quatrième point ; tout groupe, toute communauté utilise des rites pour se constituer comme communauté. Les sociologues contemporains font la différence entre rituélique et rituel . L’exemple du repas va nous éclairer. Les animaux évolués savent se constituer en groupe pour chasser, par exemple les lions. Leur groupe est organisé pour conduire une chasse efficace, s’ils sont ensemble, c’est pour manger. Ce n’est pas le cas des rites de la table chez les hommes, eux ils mangent en groupe d’abord pour être ensemble. C’est le fait de constituer un groupe qui prend le pas. D’une nécessité, se nourrir, on est passé à un rite qui célèbre les vertus de la communauté. Rite et communauté sont deux réalités qui vont ensemble. Pour résumer ce quatrième point, disons que les rites sont les signes d’une identité communautaire, ils contribuent à façonner l’identité de chacun et l’identité de la communauté. C’est particulièrement vrai pour les rites chrétiens, nous ne sommes chrétiens que parce que membres du Corps du Christ.
Résumons ces quatre aspects du rite. Rite ne veut pas dire ritualisme, deuxièmement un rite est efficace parce que répétitif, troisièmement le rite actualise un sens qui nous est donné, et enfin rite et communauté vont ensemble.
Voilà ! Ce premier dimanche, le propos n’est pas très facile, les dimanches suivants, il sera beaucoup plus concret. Nous verrons d’abord tout ce qui est autour de l’Eucharistie, puis les rites d’entrée, puis ceux des lectures. C’est pour nous aider à comprendre ce que nous faisons et donc à mieux vivre la messe que je fais cette catéchèse qui je l’espère vous intéressera.