Dimanche 21 septembre 2003 - Vingt cinquième dimanche

La personnalité commence quand on cesse de se comparer

Sagesse 2,12.17-20- Jacques 3,16 à 4,3- Marc 9,30-37
dimanche 21 septembre 2003.
 

Il y a quelques années, je ne ratais jamais à la télévision, une émission littéraire animée par un célèbre Bernard. Quelle ne fut pas ma surprise de voir un jour sur son plateau un styliste français, vous savez un de ces fabricants de modes de haut standing, celui là était particulièrement gratiné ; diamant à l’oreille, queue de cheval, une façon de parler très snobe ! Je me demandais vraiment ce qu’il faisait au milieu de ces intellectuels et écrivains. Jusqu’au moment où on l’interroge sur la mode. On lui demande s’il n’a pas l’impression d’encourager la frivolité, le " m’as-tu bien vu ? " Il fit cette réponse étonnante : " Peut-être vous savez, mais la personnalité commence quand on cesse de se comparer ! " Je crois qu’il y a là le fil conducteur de ces trois lectures.

Les apôtres discutent entre eux pour savoir qui est le premier, qui est le plus grand. Mais pourquoi ne s’interrogent-ils pas tout simplement, plus sainement pour savoir comment grandir ? Dans la première lecture nous voyons des gens qui sont près au pire parce que la bonté, la douceur et la patience les agacent. Et St Jacques nous rappelle que le plus polluant pour nos relations c’est la jalousie, la convoitise.

J’aime bien cette parole : " la personnalité commence quand on cesse de se comparer ". peut-être faudrait-il dire : " La personnalité se confirme quand on cesse de se comparer " ou mieux : " nous grandissons tellement mieux sans convoitise ". La convoitise consiste à vouloir saisir le bien d’un autre ou à mettre la main sur l’autre, pouvoir le dominer, si possible lui passer devant en réduisant ce que nous jalousons en lui d’un petit mot acide. Mais saint Jacques le dit bien, de cette façon, nous n’arrivons pas à nos fins, car ces attitudes ne nous grandissent pas. Et pourtant elles nous sont tellement familières, alors que faire ?

A l’origine de tous nos comportements, il y a un mouvement intérieur qui n’est ni bon ni mauvais, tout dépend de l’orientation qu’on lui donne. A la source de la convoitise, de la jalousie, de la bagarre pour être le premier, il y a le désir d’un plus grand bien. Et c’est bon, c’est le moteur de la vie, et c’est même ce qui anime notre foi, notre espérance.

Permettez-moi un conseil. St Jacques nous met sous le nez la convoitise et la jalousie comme la racine de toutes nos querelles. Ne luttez pas directement contre elles, allez à la source ; le désir d’un plus grand bien. De cela peut venir la convoitise, bien-sûr, mais il y a aussi une émergence plus positive. Quel est le contraire de la convoitise ? Ce n’est l’indifférence (sauf au sens de st Ignace), le contraire de la convoitise c’est la joie, et l’action de grâce. Quand vous voyez quelqu’un d’intelligent, ne prétendez pas trop vite qu’il est prétentieux, réjouissez-vous plutôt de pouvoir mieux comprendre grâce à lui. Quand vous croisez quelqu’un de généreux, n’allez pas dire qu’il se donne bonne conscience, rendez grâce pour le bien qu’il fait et tâchez de l’imiter.

Je vous donne ce conseil mais le Christ aujourd’hui nous en donne un, plus solide encore : " Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. " Il faut bien comprendre ; quand Jésus dit qu’il nous faut être les derniers, ce n’est évidemment pas une louange de la médiocrité, de l’échec ou de la misère. C’est pour casser la logique de la course à la première place, de la quête de la gloriole. Souvenez-vous ; les apôtres étaient en train de discuter pour savoir qui était le plus grand ! Mais la question n’est pas là, leur dit le Christ, la question c’est de savoir comment grandir ! Et pour ça il faut déjà vouloir grandir, vouloir faire grandir en soi l’humanité.

Et c’est pourquoi le Christ place un enfant, là au milieu d’eux. Jésus fait là un geste un peu provocateur ; à l’époque un gosse ça ne compte pas, on l’écarte. Mais un enfant, à l’évidence ça doit et ça veut grandir, et puis un enfant il a besoin des autres pour grandir. Bon nombre de gens ne veulent pas grandir, pourquoi faire ? Ils sont tellement biens ! Or l’humanité en nous est toujours en chantier, il nous faut toujours la restaurer, la laisser grandir. Et pour ça nous avons toujours besoin du service des autres et de nous mettre à leur service. C’est les uns par les autres que nous grandissons, par nos qualités mises au service de tous, par notre générosité, mais surtout quand nous aimons et que nous sommes aimés.

Je suis peut-être un peu sensible, mais ça me frappe toujours quand je vois des jeunes gens de mes amis, qui ont fait de bonnes études, qui ont réussi leur vie comme dit, qui gagent beaucoup d’argent, pensez-vous qu’ils soient grands pour autant ? Mais quand ils prennent leur gamin dans les bras, là ils sont grands, vous avez remarqué ça, vous aussi ?

Mais la pointe du texte est encore plus impressionnante : Jésus s’identifie à cet enfant qui veut grandir, qui a besoin des autres. Le Christ a besoin de nous pour grandir, c’est stupéfiant ! Accueillir le Christ comme on le fait d’un enfant, c’est bien ce qu’il dit ! En nous, Dieu est présent, mais fragile. Il veut grandir en nous pour tout transfigurer, mais il faut l’aider à grandir et il ne grandira que par le ministère de nos frères.

Aussi le plus grand service, le premier que nous puissions rendre, c’est d’annoncer cette présence.