Les rites de la messe [2/4]

dimanche 23 janvier 2005.
 

Nous poursuivons notre explication des rites de la messe commencée dimanche dernier. J’ai expliqué l’utilité des rites, leurs caractéristiques. Aujourd’hui puisque c’est la fête du Corps et du sang du Christ, je vais parler de la partie eucharistique de la messe.

Observons d’abord les lieux. Le point focal de l’Eucharistie c’est l’autel. Comme je vous le disais dimanche dernier les rites ont beaucoup évolué au cours de l’histoire, et la place de l’autel, sa taille, ses ornements, ont eux aussi beaucoup varié. Jusqu’au Moyen Age, l’autel est petit, compact, il symbolise un rocher. C’est Jésus qui parlant de lui-même, cite un psaume : « la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue pierre d’angle » St Paul reprend cette image du Christ comme rocher . Mais rapidement, les autels alors assez avancés, souvent à la croisée du transept, vont être de plus en plus décorés et vont s’éloigner dans le chœur. Au XIe siècle, on connaît des querelles autour de la Présence Réelle. Certains disent que l’Eucharistie n’est qu’un symbole, l’Eglise insiste alors pour affirmer que c’est vraiment le Christ, le Seigneur qui se donne dans le pain et le vin consacrés. Trois conséquences. D’abord l’invention des tabernacles, bien visibles, très décorés, posés sur l’autel ou tout près. Auparavant, il n’y avait pas de tabernacle, pas d’adoration du Saint Sacrement, la réserve eucharistique était conservée dans un placard ou suspendu dans une boite. Deuxième conséquence, on repousse les autels au fond des absides, et on les orne de peintures . Combiné avec l’invention du tabernacle, ça va donner les retables, vous savez, ces immenses sculptures peintes et couvertes d’or, véritables monuments à la Présence Réelle. C’est une façon d’honorer le Seigneur, certes, mais du coup, troisième conséquence, l’Eucharistie devient un mystère inapprochable, et les gens ne communient plus. A un tel point qu’aux XVIIIe et XIXe siècles, plusieurs Papes devront insister pour qu’on communie à la messe. Au XXe les autels retrouvent leur forme et leur place antiques. De nos jours l’autel doit être de taille réduite, mais de noble matière, stable et bien visible.

Bon, voilà pour l’autel, il y aurait quantité d’autres aspects à développer, mais venons-en aux rites eux-mêmes.

La partie eucharistique commence avec la présentation des offrandes, appelée offertoire. Aux premiers siècles, on apportait ce que les chrétiens offraient pour le plus démunis d’entre eux. On prélevait de ces dons le pain et le vin qui allaient être consacrés. De nos jours, c’est le temps de la quête et de la procession des offrandes. En fait, pendant cette partie de la messe, nous sommes invités à faire le don d’une part de ce que nous avons, mais surtout, nous nous offrons à Dieu, nous ouvrons nos vies à Dieu pour qu’il les transforme et les remplisse. Jadis au temple de Jérusalem, on offrait des sacrifices de bétails. A la messe, on ne fait plus de sacrifices, mais on célèbre le sacrifice du Christ. Le Christ s’offre au Père et il nous entraîne dans cette offrande. Alors il pourra s’offrir à nous pour faire de nous son corps. Nous devenons Corps du Christ quand nous recevons le Christ qui se donne .

A l’offertoire, il y a un petit geste que peut-être vous voyez, le diacre ou le prêtre verse un peu d’eau dans le vin en disant : « comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité ». St Cyprien (250) explique que l’Eglise en ses membres, s’unit au sacrifice du Christ et dans ce sacrifice devient le Christ. Le petit rien qu’on verse dans le vin, c’est notre part. Pas grand chose par rapport à ce que le Christ nous donne, mais même ce petit rien que nous apportons, devient le Christ.

Un autre geste, on verse de l’eau sur les mains du prêtre. C’est un rite de purification. Un peu d’eau sur le bout des doigts, c’est très symbolique bien sûr, mais ça veut dire qu’à partir de ce moment le prêtre agit « in personna Christi », comme on dit en latin, en la personne du Christ. Et évidemment, le prêtre en tant que personne, il n’est pas à la hauteur ! C’est ce que veut dire ce geste.

Voilà pour l’offertoire. Deux détails encore sur la communion.

Pourquoi communie-t-on avec des petites hosties plates ? Cette forme a été imposée au VIIIe siècle par Charlemagne. Il voulait aussi que les gens reçoivent la communion, non plus dans les mains, mais dans la bouche. L’hostie, c’est du pain non levé, du pain azyme. C’est une évocation de la Pâque juive. Quand le peuple hébreu a fui l’esclavage de l’Egypte, il n’a pas eu le temps de laisser la pâte à pain lever, et donc ils ont mangé du pain non levé. C’est en souvenir de cette libération que l’usage est resté. L’Eucharistie est encore le signe de notre libération, le signe de notre salut.

Mais pourquoi du vin blanc ? Beaucoup croient que c’est pour ne pas tâcher les nappes. Curieuse explication ! Les prêtres ont quand même suffisamment de respect pour ce qu’ils célèbrent pour ne pas répandre sur les nappes ce qu’ils savent être le sang du Christ ! L’explication est ailleurs. Au XIe siècle, Béranger de Tours s’est mis à douter de la présence réelle du Christ dans le pain et le vin consacré. Il y a eu des réactions, et certaines ont été excessives. Par exemple quelques-uns ont été jusqu’à dire que le vin n’était plus du vin, mais vraiment du sang ! C’est contre cet excès que les évêques ont demandé qu’on célèbre dorénavant avec du vin blanc.

Voilà quelques explication, il y en aurait bien d’autres, mais on ne peut pas faire trop durer le plaisir. Dimanche prochain, nous verrons les rites de préparation. Expliquer les rites, comme vous le voyez nous oblige à faire un peu d’histoire et de théologie, et ça nous permet de mieux vivre la messe, en la comprenant mieux.