Depuis la Pentecôte, nous poursuivons un enseignement sur les rites de la messe. Après avoir vu ce qu’était un rite, nous avons été vers la partie eucharistique de la messe, puis dimanche dernier nous avons parlé des rites d’entrée. Aujourd’hui, il nous reste à évoquer tout ce qui touche aux lectures.
Et ici, une surprise nous attend, il n’y a rien de plus variée au cours de l’histoire que cette liturgie des lectures. Ce que vous voyez de nos jours est un retour à l’ancienne tradition que nous avons connue jusqu’au VIIIe et qui depuis a subi bien des transformations. La première chose à rappeler, c’est que cette liturgie est un héritage des synagogues. Quand les apôtres et leurs immédiats successeurs se réunissaient, ils ont continué à faire ce qu’ils avaient toujours pratiqué, les rites de la synagogue, c’est-à-dire une liturgie sobre autour de l’étude de l’Ecriture. Ensuite, ils célébraient ce que le Christ leur avait laissé, le rite de l’Eucharistie, très sobre au début. Ce que nous devons retrouver dans notre liturgie de la parole, c’est cet aspect d’étude et de méditation.
La période qui suit, ce qu’on appelle la période des pères de l’Eglise est la plus riche pour la liturgie de la Parole. C’est l’époque des ambons. L’ambon, c’est le lieu d’où on proclamait l’Evangile, puis on y prêchait. On a plusieurs formes d’ambon. Le plus étonnant pour nous, ce sont les ambons avancés, c’est-à-dire planté au milieu de la nef. Vous vous rappelez bien sûr qu’il n’y a pas de bancs ni de chaises, à cette période. Sur une petite estrade, il y avait une sorte de tribune faite de quatre ou cinq marches . On s’y rendait en procession avec évangéliaire, cierges et encens. Il y avait là, une volonté d’illustrer, de vivre concrètement par cette plongée de l’Evangile au milieu de l’assemblée, ce St Jean disait dans son Prologue : « Et le Verbe s’est fait, et il a habité parmi nous. » Et puis venait alors une longue prédication. On trouve de ces ambons à Ephèse, à Constantinople, à Rome ou en Cappadoce. C’est un peu cette forme que nous avons adoptée ici, le samedi soir.
Ces anciens ambons ont l’avantage de mettre clairement en évidence les deux pôles de la liturgie de la messe que sont la Parole d’une part, l’Eucharistie, d’autre part. Ces deux pôles n’expriment pas le même type de présence, de démarche spirituelle. Autant la liturgie de la Parole sollicite notre adhésion, l’accord de nos esprits, et peut donc se dérouler dans une plus grande proximité, autant ce qui se passe à l’autel, relève bien plus du mouvement vers plus loin, vers le Père. C’est le Christ qui nous entraîne dans son offrande vers son Père. Qu’il y ait quelque distance entre l’autel et l’assemblée est donc plutôt une bonne chose, alors que l’ambon s’avance toujours . Pour bien marquer le lien qui existe entre ces deux modes de présence du Christ, il convient que l’ambon, comme l’autel soit de belle et noble matière, si possible qu’ils soient fabriqués dans le même matériau.
Après le temps des pères, disons nos sept premiers siècles, on va entrer dans une longue période d’oubli. La liturgie de la Parole et les homélies disparaissent progressivement. Disparaissent aussi les ambons. Bien sûr les lectures sont toujours faites, mais par le prêtre à l’autel et en latin que bien souvent, lui-même ne comprenait plus .
C’est vers le XIIe siècle, avec l’arrivée des franciscains puis des dominicains que revient en force la prédication. Apparaissent alors les premières chaires, d’abord en bois, transportables, puis bientôt fixées au milieu de la nef. Ces prédications ont énormément de succès, ce sont des sortes de catéchèse assez longues que l’on faisait à l’occasion de la venue d’un de ces moines prédicateurs. Mais il subsiste quand même un gros problème, ces prédications se font en dehors de la messe. On a perdu l’idée qui faisait la force des liturgies des premiers siècles ; la Parole de Dieu est Vie, elle est le Verbe éternel venant chez nous, elle est comme le deuxième pôle, l’écho de la communion eucharistique.
Il va y avoir un brutal réveil avec la naissance du protestantisme, mais il faudra un siècle avant que Rome ne se décide à lancer un vaste effort pour former le clergé, parce que, pour une part le problème était là ! C’est l’invention des séminaires au XVIIe qui va favoriser le retour de la liturgie de la Parole avec la prédication. Et puis, contre l’avis de Rome, en Allemagne et en France sous le règne de Louis XIV, vont être imprimés des missels traduits en allemand ou en français. C’est un énorme progrès parce que dans ces missels figurent les lectures de chaque dimanche, et les chrétiens ont donc accès à ces textes, et veulent comprendre !
Vous voyez que ce que nous connaissons aujourd’hui est le fruit d’une histoire bien turbulente, et ce qui nous semble évident, ne l’a pas toujours été !
Observons quelques détails des rites de lecture. Quand nous écoutons l’Evangile, nous sommes debout, comme pendant la consécration ou le credo ; c’est la foi, c’est la présence du Christ, c’est sa parole qui nous remettent debout, qui restaurent en nous la dignité de Fils de Dieu.
Autre geste, juste avant la lecture de l’Evangile, chacun se marque de trois signes de croix, sur le front, sur les lèvres, sur le cœur. Quel est le sens de ce geste ? Tout au début de l’histoire de l’Eglise, seul le signe sur le front était pratiqué, rappel de la parole de St Paul : « Je ne rougirai pas de l’Evangile » , je n’aurai pas honte d’annoncer l’Evangile. Ensuite, on a fait trois signes de croix qui étaient autant de prières ; on demandait à Dieu d’ouvrir notre intelligence, qu’elle puisse comprendre sa Parole, que nos lèvres osent l’annoncer, que notre cœur s’en pénètre !
Il me faut arrêter ici ces explications des rites de la messe. Beaucoup reste à dire, mais probablement ces enseignements suivis sur quatre dimanches peuvent nous aider à mieux participer à cette messe qui nous rassemble. C’est mon souhait.