Dimanche 16 novembre 2003 - Trente-troisième Dimanche

11 novembre, commémoration de la fin de la guerre de 14-18

Daniel 12,1-3 - Hébreux 10,11-14.18 - Marc 13,24-32
mardi 11 novembre 2003.
 

Le 11 novembre, commémoration de la fin de la guerre de 14-18 nous donne chaque année l’occasion de prier pour les morts des derniers conflits et de faire mémoire de ces sacrifices dramatiques en espérant que somme toute, ces luttes ne furent pas vaines. Il serait bon que ces commémorations deviennent l’occasion de réfléchir sur les racines de la violence ou plus positivement sur les sources possibles d’une juste paix.

Peut-être faut-il s’interroger sur les rapports entre la religion et la violence. C’est ce que je voudrais faire avec vous aujourd’hui. On entend dire ici ou là que le fil rouge de la violence dans l’histoire de l’humanité serait la religion, le monothéisme en particulier. Ca me semble un peu court, on pourrait tout autant et avec moins de risque d’erreur prétendre que le fil rouge de la violence historique, ce sont le intérêts économiques et marchands ou tout simplement la boulimie de pouvoir. Mais la question me paraît quand même sérieuse, il y a bien un lien entre violence et religion. Or c’est précisément ce lien que dénonce le Christ dans l’Evangile que vous venez d’entendre ; la violence est inévitable quand ceux qui servent Dieu se prennent pour César ou quand César se prend pour Dieu.

Il est historiquement indéniable que les religions et la religion catholique aussi, ont commis des actes de violence incensés qui même dans leur contexte, restent coupables. C’est à chaque fois que l’Eglise a voulu se saisir du pouvoir d’état. Notez bien au passage que l’inverse est infiniment plus grave, lorsque le pouvoir se fait Dieu, quand César se fait adorer, quand le culte de la personnalité tient lieu de raison politique, quand un système de gouvernement s’érige en dogme, les conséquences sont toujours monstrueuses. La seconde guerre mondiale et le Goulag sont les fruits de Césars qui se sont faits Dieu, s’équipant l’un et l’autre de tout un fatras religieux ; des cérémonies exaltantes, une croyance hallucinée dans un avenir radieux.

S’il est faux que la religion soit toujours violente, c’est vrai que la violence d’état elle, est toujours religieuse, c’est-à-dire qu’elle emprunte aux forces religieuses ce qui lui servira de ressort et en fin de compte de justification.

L’accusation selon laquelle quand on est religieux, on est nécessairement violent doit être retournée ; quand on est violent on emprunte nécessairement au religieux, mais dans ce qu’il a de pire ; une ferveur exaltée, fiévreuse, un rejet de la raison critique, un dogme simpliste qui sert de mobile.

Il ne m’appartient pas de faire une analyse des simplismes politiques et de leur usage de la violence. Mais tentons de voir comment les religions peuvent basculer dans la violence. Je crois pouvoir repérer trois dangers majeurs qui sont aussi des menaces pour le politique et pour chaque personne en particulier.

En premier lieu, il y a le soupçon envers la raison. C’est faire violence à notre humanité que de demander aux croyants de ne pas exercer leur esprit critique ou plus exactement de ne pas réfléchir à ce qu’ils croient. De même ne faut-il pas s’étonner que la violence naisse de l’incompréhension des peuples face aux structures économiques et politiques de plus en plus complexes. Les religions s’honoreraient à rappeler d’une part que c’est la grandeur de l’homme que d’exercer sa raison et d’autre part, que c’est défendre la vie que de ne pas réduire le réel à ce que je comprends. L’amour, la beauté, Dieu, la vie débordent les mécanismes intellectuels que nous bâtissons. Tenir ces deux positions : exercer la raison, accepter que la vie la déborde, c’est la grandeur d’une foi réfléchie.

La seconde cause de la violence politique ou religieuse me semble être une mauvaise compréhension de la vérité. Ceux qui ont la vérité, qui la détiennent sont des bourreaux. Nous cherchons la vérité, la vérité est toujours en chemin, elle oblige toujours non à imposer nos solutions étriquées mais à accepter que tant que nous sommes ici bas, les chemins de la vérité sont multiples.

Et enfin le troisième danger est de réduire le religieux à une liste d’interdits et d’obligations. C’est le moyen efficace qu’ont trouvé les tyrannies et les religions les plus étroites pour s’imposer aux consciences. On ne doit pas confondre la gestion du bien commun avec le légalisme, de même on ne peut confondre religion et application des interdits, contrairement à ce que tente de nous faire croire un certain retour de formes religieuses obscurantistes.

Vous voyez bien que ces trois dangers du religieux peuvent polluer aussi le politique et menacer la paix. S’il ne faut pas confondre Dieu et César, les critères de bonne santé sont pourtant les mêmes.