Les textes nous donnent rarement l’occasion de parler de Joseph, il s’efface complètement comme si toute l’œuvre de sa vie, c’était d’avoir donner à Jésus d’être de la lignée de David.
Deux aspects ont retenu mon attention. Il y a le fait que Joseph soit appelé un homme juste, chose très rare nous le verrons.
Mais d’abord, l’expression de l’ange : « Ne crains pas de prendre chez toi, Marie. » Pourquoi le craindrait-il ? Marie est promise à Joseph. Peut-être éprouve-t-il de la crainte, de la réticence à vivre avec une femme qui porte un enfant dont il n’est pas le père. Allant contre la loi, il ne veut pas dénoncer Marie. Peut-être espère-t-il éviter un procès public qui risque d’aboutir à une lapidation, selon ce que prévoit la loi. Mais s’il la répudie en secret, il doit bien se douter qu’elle n’échapperait pas à la vindicte populaire, si vertueuse comme chacun sait, qui ne manquerait pas de gloser sur une femme enceinte qui vit seule !
Tout ça est bien compliqué, on comprend que Joseph soit perplexe, songeur, comme on le montre sur les icônes byzantines. Mais je crois que le sentiment de crainte de Joseph est ailleurs. Ce n’est pas perplexité ou hésitation, mais crainte de Dieu. La crainte de Dieu, ce n’est pas un sentiment de peur, de terreur, mais un sens profond de l’immensité, de la transcendance divine, une sorte de vertige. On pourrait presque lui faire dire les mots du centurion : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit ». Voilà ce que craint Joseph ; recevoir l’œuvre du Saint Esprit chez lui, prendre soin de Dieu, le Messie dans sa maison, chez lui Joseph, impossible ! Il faut que Dieu lui-même apaise cette crainte : « Tu crains Dieu, très bien, bravo. C’est pour cette raison que toi, tu prendras soin de lui, bien mieux que tous ceux qui s’estiment des justes et qui se saisissent de Dieu ».
Joseph lui, ne fait pas partie de ces gens qui s’estiment des justes, il est tout effacement, tout service. Et pourtant il reçoit de l’évangéliste le titre de juste, c’est mon second point. Dans toute l’Ecriture, vous le savez, il y a très peu de personnages qui reçoivent ce titre. Dans l’Ancien Testament, il y a Noé et Job, c’est tout. Dans le Nouveau Testament, Zacharie, Elisabeth, il y a Corneille le centurion baptisé par Pierre, et Joseph, c’est tout.
Un homme juste, ce n’est pas uniquement celui qui pratique la justice, c’est « celui qui trouve sa joie dans le Seigneur », c’est la définition que nous avons dans les psaumes. C’est-à-dire que tout son être tend vers Dieu, sa joie c’est Dieu, sa compagnie c’est le Très Haut, il vit en présence du mystère, il en est habité. Voilà ce qu’est un homme juste.
Il faut noter que Jésus bien sûr est appelé « homme juste », mais curieusement par deux personnages qu’on n’attend pas, deux païens ; le centurion au pied de la croix et la femme de Pilate. C’est quand même un peu étrange que ceux qui sont capables de reconnaître l’intimité de Jésus avec Dieu soient des païens réputés peu experts en matière de foi. Comme si les spécialistes de religion quand ils s’estiment eux-mêmes des justes, deviennent incapables de voir, de reconnaître la proximité de Dieu.
Que faut-il penser de tout cela ? Qu’il est difficile de voir la présence de Dieu en ce monde, si nous pensons pouvoir la définir, lui donner des règles comme le font les pharisiens et quelques autres. Et deuxièmement, que les hommes justes, ceux pour qui la présence de Dieu est coutumière sont aussi les plus discrets. D’ailleurs, de Joseph, on ne sait quasiment rien, sinon l’essentiel, que sous son toit, il reçut Dieu.
Que Dieu nous donne aussi de désirer cette grâce.