Il y a quelque temps, je m’étais retiré en l’abbaye de Soligny pour faire le point sur 20 ans de service de l’église comme prêtre. Je me suis demandé en quoi consiste la richesse de ce parcours, richesse qui m’étonne toujours et dont je rends grâce à Dieu. C’est pendant cette petite retraite que je me suis décidé à vous partager deux ou trois choses.
St Dominique prétendait que l’action est le débordement de la contemplation. Je suis tout à fait d’accord avec ça. Pour moi, un prêtre est d’abord un homme religieux, mystique pourrait-on dire. Je consacre à cette énergie contemplative une grande part de mon temps, je suis d’abord en quête de Dieu. Mon type d’action pastorale en découle. Chez moi cette vitalité mystique s’est enracinée très tôt autour de trois axes.
Il y a d’abord la Parole de Dieu. Elle a pour moi une formidable saveur, je la goûte, elle me nourrit. Et j’essaie d’en nourrir les autres, de leur en donner le goût. Chaque jour, j’ai rendez-vous avec elle.
Le second moteur, c’est la Beauté que j’écris avec un grand B, car je cherche en elle le langage de Dieu pour tout homme. Pendant 20 ans, j’ai été à l’école d’un maître en icônes. J’ai beaucoup peint, des icônes et des fresques, j’ai ralenti ces derniers années. En même temps je me suis mis à étudier ce qu’est la beauté et ce qu’elle révèle en l’homme. Ca m’a conduit à faire des études de philosophie que je poursuis encore.
Le troisième ligne de force, c’est la cohérence entre la raison et la foi. Depuis très jeune, j’avais 17 ans quand j’ai commencé, je me suis mis à ce travail, lentement mais passionnément. J’entrais par là dans la grande tradition de l’Eglise qui a toujours fait la promotion de ce type de recherche. Bien entendu, j’ai trouvé là de nombreux maîtres, ceux du passé et ceux du présent.
Tout cela m’a conduit à l’université catholique où je donne aujourd’hui quelques cours, quelques conférences chaque année et quelques articles. Il faut bien partager un peu tout ce travail. C’est d’ailleurs tout à fait passionnant de faire partager la joie de comprendre.
Mon action pastorale est le débordement de tout cela. Je ne sais pas très bien quoi dire de 20 ans de pastorale. Alors je me suis décidé à vous faire part de quelques grandes joies liées à mon ministère.
En premier lieu peut-être, il y a le fait que 4 jeunes que j’ai bien connus sont devenus prêtres. Pour deux d’entre eux, j’ai été le facteur déclanchant de leur vocation. Je ne sais pas très bien comment. Ils me l’ont dit et j’en suis encore impressionné.
Une seconde source de joie, ce sont les amis que je me suis faits au fil des années. Dans la première lecture, vous avez vu cette femme qui aménage sa maison pour accueillir Elisée. Je ne suis pas Elisée, mais j’ai des amis comme ça. Je tiens l’amitié et la fidélité comme le plus grand des trésors. Je dois beaucoup à cette bienveillance, à cette attention. Ces amitiés m’ont beaucoup aidé.
Une troisième grande joie, c’est de croiser des êtres littéralement habités par la foi. C’est saisissant. J’en suis à chaque fois étonné, émerveillé. Et comme prêtre, grâce à Dieu, c’est le cas de le dire, de telles rencontres ne sont pas rares.
Une quatrième source de joie, vous voyez, il y en a beaucoup, tout compte fait ! c’est de rencontrer les gens aux moments les plus forts de leur vie, par exemple un mariage, la naissance d’un enfant, c’est réjouissant qu’est-ce que vous voulez ! Et quand parfois, les gens m’invitent à passer du temps avec eux, c’est l’occasion de parler de ce qui les habitent vraiment, ils me confient ce qu’ils ont de plus précieux. C’est extraordinaire ça ! C’est pour ça que j’aime assez peu les mondanités. Quand on sait ce qu’on peut faire d’une soirée ! De même quand je conduis un voyage, comme récemment en Arménie ou un pèlerinage avec des jeunes en particulier, comme je le ferai bientôt pour les JMJ, je fais tout pour que ceux qui m’ont fait la confiance de me suivre dans ces démarches, éprouvent vraiment, goûtent ce que Dieu donne et ce qu’ils portent en eux de meilleur. Et ça marche !
Au total, vous voyez, je dirais volontiers que mon ministère est source de joie quand j’éveille ce que Dieu a déposé en chacun. Je ne fais pas grand chose de nouveau, je ne fais qu’éclairer ce qui est là et qui doit grandir.