Dimanche 8 octobre 2006 - Vingt-septième dimanche

L’homme est seul, hélas !

Genèse 2,18-24 - Psaume 127 - Hébreux 2,9-11 - Marc 10,2-16
jeudi 12 octobre 2006.
 

La première lecture tout particulièrement va nous intéresser. C’est le second récit de création, un texte qui est choisi parfois pour les mariages. Vous connaissez ce texte, on lit juste avant comment Dieu modèle l’homme avec la glaise du sol et souffle en lui la vie. C’est d’ailleurs très prometteur sur la présence de l’Esprit Saint, le souffle de Dieu en tout homme. Juste après, nous avons notre lecture.

L’homme est seul, hélas ! Alors Dieu lui fait des compagnons, tous les animaux. Dieu amène les vers l’homme pour que l’homme leur donne un nom. Ca, c’est très important parce que dans la tradition biblique donner un nom, c’est saisir ce qu’on nomme, avoir autorité sur cette chose ou cet homme. Par exemple quand Dieu saisit Simon, il le nomme Pierre. Donc voilà que Dieu donne à l’homme le pouvoir de dominer, c’est même répété trois fois en peu de lignes ! Noter qu’il n’y a pour le moment aucune connotation mauvaise, il s’agit pour l’homme de gérer le monde, il en reçoit la responsabilité. C’est ça que ça veut dire. Evidemment, les choses vont se gâter quand l’homme, au lieu d’exercer cette responsabilité se contentera d’user et d’abuser des biens de ce monde. C’est une autre question.

Alors voilà l’homme maître de toutes choses, est-il satisfait ? Non ; « il ne trouve aucune aide qui lui corresponde ». Belle expression qui est répétée deux fois dans ce texte. Deuxième leçon très importante à noter au passage. Tant que l’homme croit faire son bonheur dans les choses de ce monde, il ira vers l’ennui. Il aura beau avoir quantité de trucs, de la fortune, là n’est pas son bonheur.

Dieu alors endort l’homme et il prend de la chair de son côté et avec ce qu’il a pris (répété deux fois, là aussi) et qui donc manquera à l’homme, il forme la femme. Il faut fuir les interprétations du genre la femme vient après l’homme, lui est inférieure ou je ne sais quoi. Ce que ça veut dire, c’est qu’il y aura dorénavant dans toutes les relations humaines à la fois une familiarité « voici la chair de ma chair » et un manque « ce que Dieu a pris à l’homme ». Familiarité, tout homme est mon frère. Manque : jamais je ne pourrai prétendre le ramener à moi c’est-à-dire réduire son « étrangeté » à mes habitudes, à mes idées, à ma culture, autrement dit je ne pourrai jamais recoller le morceau manquant pour reprendre l’image biblique ! Il y a une impossibilité de saisir ou comprendre tout à fait autrui car il y aura toujours entre l’un et l’autre une différence. Il faut laisser à l’autre sa différence, son mystère, son côté insaisissable, et donc il y a toujours en lui de quoi m’étonner. Mais il y a aussi par rapport à l’autre un manque comme quand on dit « tu me manques », sans toi, je ne suis pas vraiment moi.

Avec tout ça, nous avons de quoi comprendre l’expression « une aide qui lui corresponde ». Et comprendre pourquoi progressivement l’Eglise a fait du couple humain, un sacrement.

Le mot hébreux est riche d’ambiguïté, il veut dire ; une aide à côté, contre, mais aussi face à. Il veut dire les deux : à côté de moi, j’ai une aide pour faire face à. Faire face à quoi ? Face à ma vocation d’homme. Ma vocation d’homme ? Honorer, faire grandir l’humanité en moi. Or ça, je ne peux le faire que par le ministère d’autrui. Le français rend très bien ce sens par le verbe « correspondre », répondre avec. Répondre à ma vocation avec une aide, par excellence l’époux, l’épouse. Seul, je ne peux pas. Vous pouvez facilement comprendre que quand on aime quelqu’un, on le fait grandir, et soi-même on grandit en aimant. C’est vrai éminemment des enfants qui grandissent quand on les aime, mais aussi de chacun d’entre nous qui avons encore et toujours besoin de faire grandir en nous l’humanité. Il y a là, dans l’amour humain un moyen de contribuer à l’œuvre créatrice de Dieu qu’il nous confie. Voilà un des fondements de l’espérance chrétienne sur le couple et la famille.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce texte de la Genèse et beaucoup à dire aussi sur le mystère et la grandeur de l’amour humain.

Depuis que je suis ici, j’ai du préparer une centaine de couples au mariage. Et le CPM d’avantage encore ! J’ai avec chaque couple quatre rendez-vous et à chaque fois, la richesse de cette vocation m’impressionne et m’effraie en peu. Elle est difficile cette vocation et si belle ! Demandons à Dieu que nous sachions sans nous lasser y répondre et ainsi trouver la joie.