Dimanche 11 septembre 2005 - Vingt-quatrième dimanche

Ces textes que nous venons d’entendre posent bien des problèmes.

Siracide 27,30-28,7 - Psaume 102 - Romains 14,7-9 - Matthieu 18,15-2
lundi 19 septembre 2005.
 

Ces textes que nous venons d’entendre posent bien des problèmes. D’abord parce qu’ils parlent tous du pardon et que le pardon est une des choses les plus difficiles à vivre dans notre existence. Ensuite parce que nous avons entendu quelques très belles paroles, mais d’autres sont très dures ! Les derniers mots de l’évangile par exemple.

La question que pose cette conclusion, c’est qu’il semble bien que Dieu nous traite selon notre propre attitude. "C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur". Si donc, nous sommes durs, méchants, Dieu le serait aussi. Dieu rendrait-il coups pour coups ? Où donc est passée la miséricorde divine, si Dieu tient scrupuleusement les comptes de notre générosité pour nous les renvoyer à la figure quand l’heure aura sonné ? Terrible vision !

Je vous en propose une autre. Elle tient en une phrase. Quand le pardon donné n’est pas partagé, il n’est pas vraiment reçu. Il en va du pardon comme de tous dons. En refusant de communiquer aux autres le don reçu, celui qui l’a reçu étouffe en lui ce don, l’empêche de prendre corps en lui. C’est comme s’il avait perdu le don de Dieu. Celui qui ne partage pas aux autres le don de Dieu, le perd. C’est vrai de toute chose qui nous a été donnée. Si vous avez tel ou tel don et que vous ne le diffusez pas, vous le perdez. Un don artistique, si vous ne le mettez pas en œuvre, vous le perdez ! Ou une belle sensibilité quand elle ne se tourne pas vers autrui, tourne à votre désavantage. Nous ne recevons vraiment que si nous donnons. C’est le sens que je vous propose.

Dans la prière du Notre Père nous avons quelque chose d’assez semblable : "pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous offensé". Dieu nous pardonnerait-il vraiment à la mesure de notre propre pardon ? Ce n’est pas tout à fait ça. Il n’y a pas de condition au pardon de Dieu, enfin si, il y en a une seule, c’est que nous le recevions. Or cette aptitude à recevoir en nous le pardon est acquise quand nous-mêmes nous pardonnons. S’entraîner à pardonner, c’est pour nous comme travailler une terre pour qu’elle puisse recevoir la semence. Que nous pardonnions constitue en nous un terreau favorable pour accueillir le pardon de Dieu. Dans la parabole, la remise de dette est déjà prononcée, dès le début, le pardon est déjà acquis. Mais le fait de ne pas en faire profiter autrui, tue ce don, l’annule. Dieu n’attend pas que nous soyons bons pour se donner à nous, mais seule notre bonté ne serait-ce qu’un peu, permet de le recevoir, car Dieu ne connaît que ça en nous. La bonté.

Prenons encore un peu de temps pour la première lecture. Un livre de Sagesse. Nous y lisons en effet des choses d’une grande sagesse. Il y a comme un refrain dans cet extrait qui peut nous permettre de comprendre ce qu’est le pardon. Pardonner, ce n’est pas oublier. Pardonner, ce n’est pas non plus ne pas voir le mal, ça ce serait dangereux. De même il ne faut pas confondre pardon et justice. Ce serait injuste de ne pas lutter contre le mal. Il nous faut parfois prononcer des paroles qui aident l’autre à grandir. Il nous faut parfois avoir des comportements qui empêchent les autres de nuire. Si nous ne le faisons pas, c’est une injustice. Par contre pardonner, nous dit et nous redit cette première lecture, c’est ne pas garder de rancune, ne pas nourrir la haine. Ca revient cinq fois en quelques lignes. Et si ton prochain ne reçoit pas ton pardon, au moins tu auras guéri la rancune en toi, tu te seras libéré du ressentiment.

Il y a une très belle expression qui conclut cette lecture : « passe par-dessus l’offense ». Ca ne veut pas dire, « c’est sans importance », un mal est un mal. Ca veut dire : vas plus loin, ne t’arrête pas à ça, ne bloque pas là-dessus, d’abord, ce serait condamner, enfermer ton frère au mal qu’il a fait, mais surtout ce serait te ronger de rancune, ce serait ruiner la bonté qui t’habite. Pardonne, ne nourris pas ta haine.

Voilà un thème bien difficile. Laissez-moi pour conclure vous redire les paroles du psaume lu tout à l’heure :

Dieu n’est pas toujours en procès, il ne maintient pas sans fin ses reproches.

Il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses.

Dieu te pardonne tes offenses, il te guérit de toute maladie. (la haine, la rancune)