Nous avons dans la première lecture de ce jour, une des prophéties les plus étranges de l’Ancien Testament. David veut construire un temple pour l’arche. Lui, le grand roi d’Israël qui a réalisé l’unité de son peuple, lui qui a défait ses ennemis en gagnant quantité de batailles, lui qui a fait de Jérusalem une belle capitale, il s’est construit un palais et le voilà qui pense à Dieu et veut lui édifier un temple digne de Lui. Beau projet ! Mais Dieu va avertir David de l’ambiguïté de ce projet. Il va envoyer son prophète Nathan, David va écouter Nathan et remettre son projet à plus tard. C’est Salomon, son fils qui construira le temple, un temple magnifique, grandiose, tout à fait extraordinaire pour un si petit peuple, dans un si petit pays. Même les Romains admiraient ce temple !

Que s’est-il passé pour que David renonce ? Nathan lui a dit deux choses. La première chose qu’il lui dit c’est une question : « Est-ce toi qui va me bâtir une demeure, à moi, Dieu, pour que j’y habite ? » En vérité, les prophètes d’Israël ont toujours lutté contre une tentation constante de tous les peuples religieux, tentation qui consiste à saisir Dieu, à mettre la main sur lui, en lui construisant une maison, en faisant une statue de lui. Chaque ville, chaque peuple tenait son petit Dieu, comme une garantie, comme un truc magique. Israël a échappé à cette tentation. C’est le sens de ce texte que nous avons entendu. Pourtant Salomon va construire un temple, mais il ne va pas tomber dans le piège de la magie. Le jour de l’inauguration du temple, Salomon prononce un discours : « Serait-il donc vrai que Dieu habite ici ? Mais voici que les cieux et les cieux derrière les cieux ne peuvent le contenir, combien moins cette maison que j’ai construite ! » Pour Salomon, comme pour nous aujourd’hui, le temple n’est pas le lieu où demeure Dieu, bien sûr. On peut dire que Dieu est partout, ce n’est pas faux, mais il faut surtout admettre que rien ne peut contenir Dieu, ni nos intelligences, ni nos expériences, ni même la beauté, ce ne serait plus Dieu. Alors pourquoi construire un temple ? Pour qu’il soit le signe visible qu’il y a plus grand que nos petites affaires, qu’il y a plus grand que le plus grand des rois. En ce monde est advenu quelque chose de plus haut que ce monde et qui lui donne sens, la Parole de Dieu, la présence de Dieu.

Mais Nathan dit une seconde chose à David, très importante. Il lui dit de la part de Dieu : « Le Seigneur te fait savoir que c’est Lui qui te fera une maison. » Il faut comprendre deux choses. A David qui voulait construire une maison pour Dieu, Nathan répond que c’est Dieu qui construira David ! A David qui avait peut-être bien l’idée de se saisir de Dieu, Dieu fait savoir que c’est lui qui va se saisir de David, et ce sera une bénédiction pour lui. Et de fait, le règne de David va rester dans les mémoires comme une période extraordinaire. Seconde chose, par maison, il faut entendre ici, lignée, descendance, dynastie. Nathan est en train de dire à David que Dieu bénira sa descendance. Et de fait ce sera toujours un roi de la descendance de David qui siègera sur le trône de Juda. Jusqu’aux jours où il n’y aura plus de roi en Israël, il y aura plus que la famille de David dont plusieurs s’installeront à Bethléem. Un trou où il ne se passe plus grand chose !

On peut faire un pas de plus si on se rappelle ce que contenait le temple de Jérusalem. Rien ! Pas de statue, pas de trésor, rien si ce n’est l’arche de l’alliance : une boite dans laquelle étaient les dix paroles données par Dieu à Moïse. La Parole de Dieu gardée comme un trésor. Si Salomon construit ce temple, c’est pour dire au monde que ces paroles données par Dieu sont le plus grand des trésors ! Et il l’exprime comme il sait faire, il construit pour cette parole, un palais de roi. Quand les juifs, bien plus tard, seront déportés sur les bords des fleuves de Babylone, loin de la terre promise, loin du temple, réduits à rien, Dieu sera encore avec eux car ils gardaient la Parole de Dieu dans leur cœur et la méditaient, la répétaient comme désormais, leur unique bien ! Déjà naissaient en eux l’idée que le plus grand des temples qu’on puisse offrir à Dieu étaient le cœur et l’intelligence de l’homme. La Parole de Dieu n’a nul endroit où reposer sinon le cœur de l’homme. Le cœur de l’homme est le temple de Dieu. Nous sommes le temple de Dieu, tabernacle de sa présence si nous recevons sa parole. Si nous gardons la Parole de Dieu, nous sommes édifiés, construits par elle !