Avec cette parabole, nous sommes toujours dans le même enseignement que dimanche dernier sur l’argent trompeur. C’était déjà bien dur à comprendre, mais ici des difficultés nouvelles nous arrivent. Qu’est-ce que c’est ce séjour des morts sans rémission possible ? Et surtout : où est le mal à être riche ?
Il nous faut d’abord répondre à cette dernière question. Vous pensez bien que le Christ ne s’en prend pas aux riches parce qu’ils sont riches, il n’est pas de ceux qui jugent sur les apparences. D’ailleurs nous connaissons un autre Lazare, dans l’évangile de Jean, riche celui-ci et qui est un des amis très proches de Jésus, chez qui il se rend souvent. Le problème de ceux qui sont riches, c’est qu’ils risquent de devenir trop attachés à leur richesse et d’y mettre toute leur confiance. Le pauvre, lui ne court pas ce danger avec la misère, on le comprend facilement !
La faute de cet homme riche de la parabole, ce n’est pas qu’il soit riche, c’est de n’être que riche. Avez-vous remarqué qu’on connaît le nom du pauvre, il s’appelle Lazare. Le riche, lui n’a pas de nom, semble-t-il. Quand on sait l’importance symbolique des noms dans l’Ecriture, on peut se douter que Jésus ici tente de nous faire comprendre quelque chose d’important. Cet homme sans nom n’est connu que parce qu’il est riche, toute sa vérité c’est d’être riche. Il a confondu le sens de sa vie, la richesse de sa vie avec la fortune qu’il possède.
Le danger de la pauvreté, de la misère, c’est qu’on risque de n’avoir plus comme unique souci que celui de grappiller quelque nourriture, c’est le danger de la révolte, de la haine, sans oublier tout simplement celui de la constante insécurité qui nuit au développement de notre qualité d’homme. Tout ça nous le savons bien, pour rien au monde nous ne voudrions connaître de telles situations. Et c’est pourquoi, beaucoup d’entre nous essaient de lutter contre la misère d’autrui. Nous savons les dangers de la pauvreté, mais savons-nous bien ceux de la richesse ?
Le livre d’Amos que nous avons entendu en première lecture nous les rappelle avec vigueur : nous risquons de nous assoupir, de nous vautrer sur des lits d’ivoire, de nous enfoncer dans le luxe ! C’est ce qu’on appelle le matérialisme concret, ce que Soljenitsyne appelle le cancer de l’Occident. Je vous rappelle l’enseignement de dimanche dernier ; la solution n’est pas de fuir, mais de faire servir l’argent avant qu’il ne nous asservisse.
Voilà pour l’enseignement principal de cette parabole qui ne manque pas de piquant, n’est-ce pas ?
Il y a quantité d’autres aspects bien intéressants, presque des détails. Rapidement j’en mentionne deux.
Tout d’abord cette parole, très dure d’Abraham : « S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, quelqu’un aurait beau revenir d’entre les morts, ils ne seront pas convaincus ! » N’attendons pas des miracles pour nous mettre en marche, n’attendons pas des signes merveilleux. Le premier signe, le premier miracle, c’est la Parole de Dieu !
Second détail. Cet homme riche, une fois mort, souffre, mais en même temps, je crois que son salut est proche. Ah, vous allez dire : idée quand même pas mal perverse que de penser que dans la souffrance, on soit sauvé ! Ca dépend de quelle souffrance. Je crois que cet homme riche commence à éprouver de la compassion, il pense à ses frères et au danger des richesses qui les menace, ça le fait souffrir. Ce n’est pas dans la souffrance que commence son salut, c’est dans la compassion, dans le souci d’autrui.
N’attendons pas le Ciel pour être soucieux d’autrui. Soyons riches, riches de ce que nous offrons aux autres, soyons riches du bien que les autres nous font, là est notre vrai trésor.